Par Foued ALLANI
Du flou passager nous sommes passés tour à tour au flou persistant, aux flottements, eux-mêmes devenus persistants, pour nous retrouver aujourd’hui dans l’égarement total. Un état qui pourrait ouvrir grand la porte qui donne sur l’errance et le désarroi.
A l’heure où tout le peuple tunisien laisse s’exprimer sa perplexité face à la situation politique du pays, en pleine campagne électorale, pour le second tour de la présidentielle et pour les législatives, campagne qui a démarrée très tôt, la situation économique du pays ne fait que régresser.
Une perplexité qui prend racine dans la focalisation sur les personnes et non sur les idées, dans la carence en informations crédibles vérifiables et certifiées, dans la quasi-absence du raisonnement clair objectif, dans la pléthore des fake news, d’impressions très subjectives et qui se nourrit de ces sentiments de haine et d’exclusion baignant dans la violence, qui envahissent l’espace public .
Là, nous ne pouvons que rappeler que nous avions déjà sonné l’alarme sur cette situation bien précise depuis des mois. Une situation qui ne pouvait que biaiser le processus électoral, pilier de la démocratie.
Car, et comme chacun le sait, pour élire il faut choisir et pour choisir il faut réfléchir et pour réfléchir il faut être bien outillé pour cela. C’est-à-dire être bien formé pour effectuer des raisonnements objectifs et aussi être bien informé en ce qui concerne les enjeux, les candidats, les programmes, etc.
Deux rouages essentiels pour la démocratie et le développement, que sont la capacité de réfléchir et la disponibilité de l’information que les politiques publiques, successives liées aux ressources humaines et au capital savoir ont totalement marginalisés, et ce, depuis l’indépendance politique du pays.
L’annonce jeudi dernier du décès du président déchu a dévoilé l’ampleur des dégâts causés dans l’opinion publique et de la mémoire collective et la profondeur du travail destructif des ennemis de la nation qui sont parvenus, à coup de millions de dinars, à blanchir un dictateur mafieux, en fuite et sur lequel pèsent de très graves accusations.
Un président qui a perdu sa légitimité plusieurs années avant sa destitution, ayant transformé le pays en un goulag à ciel ouvert, en une usine pour le chômage des diplômés, en une zone libre pour toutes les activités parallèles et de contrebande et gangréné la société par la corruption et le banditisme.
Même le syndicat des patrons a choqué tous ceux qui avaient souffert directement des crimes du déchu. Et Dieu seul sait combien ils sont très nombreux, parmi eux bon nombre d’hommes d’affaires. Il a choqué aussi tout patriote, en présentant ses condoléances à la famille du disparu, alors que la plupart de ses membres sont impliqués dans ces crimes et même dans la conspiration contre la Tunisie de l’après-14 -Janvier 2011.
Jamais la société tunisienne n’a semblé aussi déroutée, comme elle l’est aujourd’hui, aussi pétrifiée par la crainte, aussi traversée par le doute, aussi aigrie par les échecs. Un état qui ne fait que détruire le capital humain du pays et dissuader les investisseurs les plus téméraires.
Il faut dire que nous sommes passés, depuis l’indépendance politique du pays, d’un Etat oligarchique à connotation tribale et régionaliste, à un Etat mafieux pour nous retrouver, depuis 2011, dans un Etat sous l’emprise de bandes organisées.
Déroutée et aussi horriblement divisée sur fond d’une crise morale sans précédent, pour tout ce que nous avons dit plus haut mais aussi pour aller jusqu’à soutenir les mafieux et à permettre la naissance d’une nouvelle pieuvre.
Nous avons touché le fond et l’appel de certains qui se présentent comme étant les gardiens de la modernité à prendre les armes pour défendre leur modèle de société contre l’obscurantisme ne fait que confirmer nos craintes quant à un nouvel épisode de violences politiques et sociales qui risque cette fois-ci d’occasionner des dégâts irréparables au pays.